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Un pays en construction

De ce pays, je ne connaissais que l'héroïne Aung San Suu Kyi, la jungle et la junte, et ça me suffisait. J'imaginais un pays encore simple et sauvage, et c'est ce qui me donnait envie de le découvrir peut-être un peu plus que les autres. En Birmanie (enfin, en "République de l'union du Myanmar" depuis 1989), tout est en changement constant. La junte militaire a longtemps été au pouvoir mais, il y a un peu plus d'un an (novembre 2015 - premières élections libres dans le pays depuis 25 ans !) le parti d'Aung Suu Kyi a remporté l'élection. Depuis quelques mois seulement, le pays n'est donc plus (vraiment) sous le joug de la dictature militaire. Une liberté retrouvée pour les birmans qui s'ouvrent au monde, pour le meilleur et pour le pire... Il y a la télé et internet partout, et les jeunes sont tous scotchés à leurs portables comme si ça avait toujours été le cas (alors que le taux de possession de portables est passé de 2% à 90% en un an!!)

Pendant longtemps, la capitale était Rangoon (renommée Yangon en 89, c'est compliqué!) Je m'attendais à une ville désuète, encore calme et qui vivrait au rythme de ses vieux bâtiments (la ville abrite la plus grande concentration de bâtiments coloniaux d'Asie du sud est). Mais je ne les ai pas vraiment vu... il paraît que la junte a démolis près de 40% des bâtiments. J'ai été surprise et un peu déçue par le bourdonnement et la modernité (relative) de Yangon, qui n'est finalement pas la ville agréable que j'attendais. Il y a bien quelques vieux bâtiments encore debouts, de belles pagodes et un lac agréable en plein centre ville, mais le vent du changement a tourné et on sent que la ville se développe à une vitesse folle.

En 2006, la junte, dans un délire mégalo, a déplacé la capitale à Naiypidaw (il faut suivre!), une ville fantôme étonnante où nous nous sommes arrêtées une journée par curiosité. Et on peut dire que ca a été une surprise! La ville fait penser à la fois aux Champs-Elysées (grandes avenues à 6 voies, mais vides ici!), à la route 66 (des kms de ligne droite sans jamais croiser une construction ou une âme qui vive) et à Vegas (pour la construction au beau milieu de rien). Tout ça entièrement vide, peuplé uniquement de grands hôtels et palaces tristement vides. Incroyable. Nous avons dormi dans un hôtel 3* avec deux salle de bain, un écran plat, un salon comportant 3 canapés en cuir, une piscine (en forme de cœur s'il vous plait!) et le petit déj pour 14€ par personne. Nous n'avons pas croisé une seule personne dans l'hôtel. Le hall d'entrée démesurément grand était digne d'un bon vieux film d'horreur. Il paraît qu'il y a 5 100 chambres à Naipydiaw et qu'à peine 1 sur 5 sont occupées. Ce que je veux bien croire maintenant que j'ai vu l'endroit! Le gouvernement essaie apparemment de développer la ville et d'attirer les gens. Aung San Suu Kyi et les députés s'y sont installés il y a peu de temps. Reste maintenant à faire venir les Ambassades (qui refusent de quitter Yangon!), les thaïlandais et les touristes. Bon courage...

Ce qui est le plus agréable au Myanmar, c'est que le mode de vie est encore très traditionnel: on se lève très tôt et on se couche très tôt, on mange sur les trottoirs, les hommes portent des longys (jupes) et mâchent du bêtene (feuille au liquide rouge) toute la journée comme en Inde. Les femmes sont toutes en jupes traditionnelles et portent du thanaka sur le visage comme à Mayotte. Les gens se déplacent beaucoup en calèche ou en charrette tirées par des chevaux ou des bœufs, et dans les villages, les hommes montent à cru sur les bœufs. La plupart des gens sont agriculteurs ou producteurs.Le Myanmar produit à peu près tout. C'est le 1er producteur mondial de Jade, ils ont le meilleur teck du monde et ils produisent aussi de l'argent et de l'or (fabrique de bijoux en argent et de feuille d'or sur bambou). Dans les années 50, la Birmanie était le "bol de riz" de l'Asie et exportait massivement. Mais l'économie s'est effondrée et ce n'est plus le cas aujourd'hui. Le pays produit 12 millions de tonnes de riz (mais en consomme 10 à 11 millions!) Les gens cultivent toutes sortes de fruits et légumes bien sur, fabriquent de la bière, du rhum et du whisky, des cigares, des vêtements, des chapeaux, des écharpes et j'en passe. Ils sont aussi grands producteurs de feux d'artifices qu'ils envoient à partir de bambous. Il y a des concours de feux d'artifices tous les ans entre villages à la saison des pluies.

Ici j'ai découvert les paysages à couper le souffle que j'attendais. À Hpa-An, notre 1ère étape dans le pays après le passage de la frontière thaïlandaise.

À Inle lake, où nous avons fait un trek de deux jours, découvert les villages et un peuple de l'eau qui vit sur pilotis et en bateau.

À Bagan, un site époustouflant avec des ruines datant du 6eme au 14eme siècle. À l'origine, il y avait 13 000 temples à Bagan. "Seuls" 2000 et quelques sont encore debout aujourd'hui, mais c'est déjà tellement impressionnant! (Paradoxalement, le récent tremblement de terre qui a détruit beaucoup de temples risque d'enfin offrir à Bagan son inscription au patrimoine mondial de l'Unesco puisque le béton qui avait été ajouté aux temples par les militaires s'est effondré et que les nouvelles rénovations vont respecter les règles de l'Unesco....)

À Mandalay, la ville la plus pieuse du pays qui compte environ 200 000 moines Nous n'avons eu qu'un petit aperçu du Myanmar car nous ne sommes restées que 20 jours ( le visa autorise 28 jours maximum) mais je sais qu'il y a tellement plus à découvrir dans les zones qui viennent tout récemment d'être ouvertes aux touristes. (Il y a 135 ethnies officielles au Myanmar, et notamment des ethnies de femmes girafes et femmes aux visages tatoués)

Où que l'on aille ici, on sent bien que les traditions commencent à se heurter à la modernité et à l'ouverture du pays. Il y a déjà plein de touristes un peu partout alors que les frontières n'ont pas été ouvertes il y a si longtemps. Le pays est en train de construire son avenir, et on dirait qu'il ne sait pas encore bien comment.... Déjà Aung San Suu Kyi rencontre ses premières difficultés... forcément difficile de passer du statut d'icône nationale à celui de dirigeant. Les voitures ont le volant à droite, mais une loi soudaine a changé il y a quelques années le sens de circulation. On conduit donc maintenant à droite, avec le volant à droite! (Autant vous dire qu'il faut l'aide d'un co-pilote pour doubler). Le 1er livre d'Orwell "une histoire birmane", interdit depuis toujours dans le pays, est maintenant en vente, depuis qu'il est autorisé, devant chaque temple. Il paraît que le gouvernement aimerait développer le tourisme de luxe. Mais je n'y crois pas trop. J'espère au moins que le pays n'ira pas trop vite et évitera de perdre sa belle identité.

Peu importe le changement qui est en train de s'opérer, ce qui risque de mettre du temps avant de changer ici, c'est le sourire des gens (Qui a osé dire que c'était la Thaïlande le pays du sourire ?!) Ici l'accueil est vraiment chaleureux et a l'air sincère. Les familles vous conduisent en voiture pendant des heures juste pour le plaisir, personne n'essaie de vous arnaquer et les enfants vous courent derrière pour vous dire bonjour et vous faire coucou. Une fraîcheur et une spontanéité comme je n'en avais pas vu depuis longtemps....et qui fait du bien!

Protège-toi Myanmar, ne change pas trop vite, je reviendrai !


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